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Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois...


Réécriture d'un passage "La République", Livre VIII, de Platon, dialogue socratique rédigé vers 375 avant J.-C. Cet apocryphe anachronique semble remonter à 1969 en France (suite aux évènements de 1968?)

Extrait du Livre VIII de la République de Platon:

Socrate - Je veux dire que le père s'accoutume à traiter son enfant comme son égal, à le craindre même; que celui-ci s'égale à son père et n'a ni respect ni crainte pour les auteurs de ses jours, parce qu'autrement sa liberté en souffrirait; que les citoyens et les simples habitants et les étrangers même aspirent aux mêmes droits.
Adimante - C'est bien là ce qui arrive.
Socrate - Oui, et il arrive aussi d’autres misères telles que celles-ci. Sous un pareil gouvernement, le maître craint et ménage ses disciples; ceux-ci se moquent de leurs maîtres et de leurs surveillants. En général les jeunes gens veulent aller de pair avec les vieillards, et lutter avec eux en propos et en actions. Les vieillards, de leur côté, descendent aux manières des jeunes gens, en affectent le ton léger et l'esprit badin, et imitent la jeunesse de peur d’avoir l'air fâcheux et despotique.
Adimante - Tout-à-fait.
Socrate - Mais le dernier excès de la liberté dans un État populaire, c'est quand les esclaves de l'un et de l'autre sexe ne sont pas moins libres que ceux qui les ont achetés. Et nous allions presque oublier de dire jusqu'où vont l'égalité et la liberté dans les rapports des femmes et des hommes.
Adimante - Et pourquoi donc ne dirions-nous pas, selon l'expression d'Eschyle,
Tout ce qui nous vient maintenant à la bouche? [On ignore à quelle tragédie d'Eschyle appartient ce vert qui était passé en proverbe.]
Socrate - Sans doute, et c'est aussi ce que je fais. Il n'est pas jusqu'aux animaux à l'usage des hommes qui en vérité ne soient là plus libres que partout ailleurs; c'est à ne pas le croire, si on ne l'a pas vu. Des petites chiennes y sont tout comme leurs maîtresses, suivant le proverbe; les chevaux et les ânes, accoutumés à une allure fière et libre, s'en vont heurter ceux qu'ils rencontrent, si on ne leur cède le passage. Et ainsi du reste; tout y respire la liberté.
Adimante - Tu me racontes mon propre songe. Je ne vais jamais à la campagne, que cela ne m'arrive.
Socrate - Or, vois-tu le résultat de tout ceci, combien les citoyens en deviennent ombrageux, au point de s'indigner et de se soulever à la moindre apparence de contrainte? Ils en viennent à la fin, comme tu sais, jusqu'à ne tenir aucun compte des lois écrites
ou non écrites, afin de n'avoir absolument aucun maître.
Adimante - Je le sais parfaitement.
Socrate - Eh bien, mon cher ami, c'est de ce jeune et beau gouvernement que naît la tyrannie, du moins à ce que je pense.


|Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois...|